Le cabinet de diagnostics E. proposait de réaliser des DPE sur des bâtiments collectifs à un prix très inférieur aux autres offres. La société A., bailleur social, choisit un autre candidat. L’entreprise E. demande l’annulation de la procédure de passation et une nouvelle analyse des offres. Cependant, son tarif s’expliquait par le choix de la technique d’échantillonnage. Or elle est réglementairement inapplicable lorsque les logements sont hétérogènes.
Consultation du bailleur social : DPE collectifs
La société anonyme d’habitations à loyer modéré A. souhaite renouveler, en 2024 et 2025, tous les DPE arrivant ou arrivés à échéance. Elle veut des DPE conformes à la refonte entrée en vigueur le 1er juillet 2021. Tous les candidats reçoivent les documents habituels avec l’appel d’offre, dont le fichier DPGF (décomposition des prix globale et forfaitaire) BPU (bordereau des prix unitaires) DQE (détail quantitatif estimatif).
Il y a deux types de prestations distinctes. La première est un « DPE logement issu du DPE immeuble » de l’ensemble du patrimoine, hétérogène ou homogène. Cela représente 9 384 logements. Une liste précise si l’immeuble est homogène ou hétérogène. Le montant est forfaitaire. Outre cette campagne de masse, la seconde est un « DPE de logement à l’unité », soit 50 logements. Ce sont les logements sans DPE collectif préalable et les maisons individuelles, hors liste DGPF. La rémunération est alors un prix au logement.
En fait, cette deuxième prestation permettra au bailleur de communiquer un DPE rapidement, au cas où la campagne de masse ne serait pas achevée. Les candidats doivent d’abord faire une visite sur site et réaliser sur place 3 DPE : maison isolée, logement isolé dans des bâtiments hétérogènes, bâtiment homogène et logement lié selon les données du DPE collectif. La société A. reçoit 9 candidatures dont celles de l’entreprise E.
Prix du DPE sous-évalué et échantillonnage
Le cabinet de diagnostics E. fait une offre inférieure de :
- 60 % à la moyenne des autres offres
- plus de 30 % à la médiane de toutes les autres offres proposées,
- 40 % à l’estimation de la maîtrise d’œuvre.
Face à ces tarifs anormalement bas, le bailleur social demande des précisions. Il comprend alors que ce faible coût s’explique par « le choix de proposer la technique des échantillonnages pour les bâtiments hétérogènes alors que ce n’était réglementairement pas possible ». Ainsi, la société E prévoyait de visiter 9 logements d’un immeuble hétérogène qui en comptait 20, 122 logements sur un bâtiment hétérogène qui en comptait 468, etc.
La société A. est donc « fondée à faire valoir que ces règles d’échantillonnage ne respectent pas les prescriptions posées par le CCTP [Cahier des clauses techniques particulières] et le Guide CEREMA, et qu’elles ont pour conséquence de réduire notablement le nombre d’heures nécessaires, et de priver de nombreux logements du DPE opposable exigé par les textes, au risque d’exposer sa responsabilité ». Ajoutons qu’elles ne respectent pas non plus l’annexe de l’arrêté du 31 mars 2021 (17.1.1.1.).
Condamnation de la société de diagnostics
Le bailleur social choisit donc un autre candidat. Pour l’entreprise E., « en rejetant sa candidature au motif d’une offre anormalement basse, la société [A.] a commis une erreur manifeste d’appréciation ». En effet, la société A. aurait mal défini son besoin, ce qui fausse l’égalité de traitement des candidats. Néanmoins, le cabinet E. est le seul, parmi toutes les sociétés de diagnostics ayant candidaté, à s’être trompé.
Selon le tribunal de Bordeaux, le prix proposé « reste manifestement sous-évalué et susceptible de compromettre la bonne exécution du marché ». La cour déboute la société E. de ses demandes à l’encontre de la société A. Elle la condamne à verser 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Enfin, le cabinet de diagnostics assumera les entiers dépens.
Cette affaire nous offre surtout l’occasion de rappeler que l’application des règles d’échantillonnage n’est pas systématique. L’entreprise E. a peut-être réellement mal compris l’offre. Néanmoins, la concurrence peut pousser le diagnostiqueur à échantillonner pour baisser le prix et obtenir ainsi le contrat. Or, l’échantillonnage ne s’applique pas lorsque le bâtiment est hétérogène. Il faut alors visiter tous les appartements pour établir les DPE.
Tribunal judiciaire de Bordeaux, RG n°23/02710, 31 mai 2024.
article intéressant !!
Bonjour, quels sont les critères précis de l’hétérogénéité ?
Bonjour,
il y en a plusieurs, mais dans ce contexte (réalisation d’un DPE au sein d’un immeuble), cela dépend principalement du système de chauffage (individuel ou collectif, géré de manière homogène ou non) et du système de production d’eau chaude sanitaire (ECS). Si par exemple, tel appartement a un panneau rayonnant électrique, tel autre une chaudière individuelle gaz et tel autre un convecteur électrique, l’hétérogénéité est manifeste.
Bonjour, attention a ne pas faire d’amalgame, la réalisation du DPE collectif d’un immeuble d’habitation peut être réalisé par échantillonnage, et même si celui-ci est hétérogène.
On parle par contre d’homogénéité obligatoire, pour réaliser le DPE d’un appartement, à partir du DPE immeuble. Ce sont deux prestations très différente.
Le guide CEREMA présente même un cas de réalisation de DPE immeuble par échantillonnage, pour lequel les systèmes de chauffage des appartements visités sont hétérogène.
Bonjour,
Je vous remercie pour ces précisions. Oui, en l’occurrence, nous parlons bien de « DPE logement issu du DPE immeuble », puisque c’était l’appel d’offre dont traite l’article.