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DPE, audit et rénovation énergétique du patrimoine

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Parmi les immeubles de logements existants, 30 % sont antérieurs à 1948 et 30 % ont été construits entre 1949 et 1974. Ce bâti ancien est souvent classé E, F ou G au DPE. Avec l’obligation de rénovation énergétique, leur avenir inquiète les acteurs du patrimoine. Faut-il créer une nouvelle méthode de calcul 3CL-DPE ? Créer une formation spécifique pour les diagnostiqueurs ? Mieux encadrer les travaux ? Le rapport sur la place des patrimoines et de l’architecture dans la transition écologique contient plusieurs propositions.

Patrimoine et transition écologique

Le Comité de la prospective et de l’innovation (CPI) de la Direction générale des Patrimoine et de l’Architecture (DGPA) et la Délégation à l’Inspection, à la Recherche et à l’Innovation (DIRI) ont mis en place un groupe de travail. Ce GT a participé, de septembre 2022 à novembre 2023, à 4 ateliers :

  • Formation : à la transition écologique dans le domaine patrimonial ;
  • Conservation verte : analyse du cycle de vie, gestion des déchets… ;
  • Énergie : performance énergétique du bâti antérieur à 1948 ;
  • Numérique : données numériques patrimoniales.

Pour chaque thématique, le rapport fournit le cadrage national, un état des lieux, les enjeux hiérarchisés et des préconisations. Nous axons cet article sur l’atelier « Énergie » (pages 34 à 56 du rapport outre les annexes), même si l’atelier Conservation verte peut vous concerner.

Énergie et bâti ancien

En réalité, les participants n’ont pas travaillé uniquement sur la réhabilitation thermique du bâti antérieur à 1948. Ils se sont aussi intéressés au bâti construit entre 1948 et 1980. L’adaptation des normes et du cadre réglementaire apparaît comme un axe prioritaire à approfondir. Le DPE, l’audit énergétique et les obligations de la loi Climat Résilience constituent une part essentielle de ce cadre.

Le GT a auditionné des bureaux d’études thermiques. Contrairement à différents acteurs du patrimoine, ils jugent que la méthode 3CL est adaptée au bâti ancien. En revanche, ils considèrent que les diagnostiqueurs ne sont pas formés aux spécificités du bâti ancien.

Par ailleurs, les défenseurs du patrimoine pensent que des logements classés parmi les passoires thermiques ont des consommations réelles plus faibles. Avec l’obligation de rénovation énergétique, ils s’attendent à trois types de comportements de la part des maîtres d’ouvrage :

  • un logement laissé vacant, alors qu’il y a une crise du logement ;
  • des travaux menés dans la précipitation au détriment du patrimoine ;
  • la recherche d’un équilibre, difficile à atteindre, entre diminution des consommations énergétiques et préservation du patrimoine bâti.
Faut-il un DPE spécifique pour le bâti ancien ?

« Il faut cependant rester prudent en ce qui concerne l’inadaptation de la méthode 3CL au bâti ancien. Cette dernière mérite en effet d’être vérifiée de manière objective ». D’abord, nous pouvons tenir compte des actions menées dans d’autres pays européens.

La Région flamande a ainsi publié Ontwikkelen van een energieprestatie-certificatt voor beschermde woningen. En français : « Élaboration d’un certificat de performance énergétique pour les habitations protégées ». Voici sa conclusion (traduite) :

« Les recherches montrent qu’il est possible d’élaborer un certificat de performance énergétique (CPE) pour les bâtiments à valeur patrimoniale, mais que le coût et les efforts nécessaires sont disproportionnés par rapport au groupe cible restreint (les propriétaires de bâtiments à valeur patrimoniale protégés). Il a donc été décidé de développer un outil plus simple : le conseil en énergie pour le patrimoine. »

Ensuite, la création ex-nihilo d’une méthode pour le bâti patrimonial va à l’encontre de la directive sur la performance énergétique des bâtiments. En effet, la DPEB promeut une égalité de traitement entre tous les logements, patrimoniaux ou non. De plus, le DPE permet de comparer les performances énergétiques en s’affranchissant de l’usage. Avec deux méthodes différentes, cette comparaison devient impossible.

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Adapter ou compléter le DPE du bâti patrimonial

À la place, les auteurs du rapport préconisent d’examiner deux autres directions possibles :

  • adapter la méthode DPE-3CL aux spécificités du bâti patrimonial et ajuster certains critères (confort d’été, inertie…) ;
  • compléter le DPE par une simulation thermique dynamique.

Ils plébiscitent la seconde solution, malgré son coût supplémentaire pour les propriétaires de logements patrimoniaux. Elle permettrait de valoriser, auprès des acquéreurs et locataires, les spécificités du bâti ancien.

Cette proposition s’accompagne d’autres préconisations complémentaires. Premièrement, il faudrait « vérifier par une étude scientifique si la méthode 3CL donne réellement de mauvais résultats sur le bâti ancien. Beaucoup d’idées fausses circulent en effet à ce sujet ».

Deuxièmement, mieux vaudrait supprimer les recommandations de travaux du DPE concernant le bâti patrimonial. « Malheureusement, les propriétaires ont tendance à prendre les recommandations de travaux du DPE pour des préconisations, ce qu’elles ne sont pas. »

Développer une offre DPE/audit bâti patrimonial

Troisièmement, il serait peut-être nécessaire de développer une offre d’audit énergétique spécifique. Les travaux préconisés doivent prendre en compte à la fois la diminution de la consommation énergétique et la préservation du patrimoine. Cela passe, par exemple, par l’utilisation d’isolants thermiques adaptés.

Quatrièmement, l’État pourrait « créer une mention bâti patrimonial pour les diagnostiqueurs et les auditeurs énergétiques. […] Une formation complémentaire ainsi qu’une mention associée semble nécessaire » pour tenir compte des spécificités des espaces protégés et des bâtiments patrimoniaux.

Cinquièmement, les interdictions de location devraient être assorties d’aides financières dédiées aux travaux de réhabilitation énergétique adaptés. Un tiers les contrôlerait dans le cas des logements patrimoniaux. Cette disposition résoudrait deux problèmes :

  • le coût élevé d’une réhabilitation respectueuse du bâti patrimonial ;
  • les travaux mal mis en œuvre et portant atteinte à la pérennité de ces bâtiments.

Sixièmement, les participants à l’atelier proposent de mettre en œuvre des « dérogations à l’interdiction de location pour les logements patrimoniaux classés E, F ou G lorsqu’il n’est pas possible ou souhaitable de réaliser des travaux de réhabilitation énergétique ».

Un architecte des bâtiments de France délivrerait cette dérogation, à condition qu’elle ne porte pas atteinte aux conditions de vie des occupants. Elle serait inenvisageable pour les locataires en situation de précarité énergétique, entre autres.

Septièmement, tous les DPE pourraient afficher également la consommation énergétique réelle lorsque les données sont disponibles. « Il ne s’agit pas de retourner à un DPE sur facture, mais bien de rendre disponible l’information dans le DPE afin de permettre au consommateur un choix éclairé ». Enfin, la question du DPE du bâti ancien doit être traitée à l’échelle européenne.

Rénovation énergétique du bâti ancien

D’autres propositions ont trait aux travaux de réhabilitation énergétique. À court terme, le rapport invite à soutenir les travaux de recherche relatifs au bilan carbone de ces travaux dans le bâti patrimonial.

À moyen et à long terme, il suggère d’imposer la réalisation d’un bilan carbone dans les bâtiments patrimoniaux. Il propose aussi de modifier la RE2020 pour intégrer les démolitions préalables dans le bilan environnemental de la construction.

Par ailleurs, le groupe de travail s’intéresse longuement aux menuiseries anciennes. Leur remplacement systématique par des menuiseries neuves « mérite d’être réinterrogé du point de vue patrimonial, thermique, environnemental et économique ».

Il invite à soutenir leur préservation en communiquant auprès du grand public et des professionnels du bâtiment. Entre autres préconisations, il conviendrait « d’étudier la possibilité de subventionner la réparation des portes et fenêtres anciennes […] au même titre que leur remplacement. »

Les panneaux solaires constituent un autre gros sujet de tensions. D’où la nécessité « d’encourager le dialogue entre les porteurs de projets d’installation de panneaux solaires et les structures garantes de la qualité architecturale ».

De manière générale, les auteurs préconisent de s’appuyer sur des données scientifiques et sur des normes. Ceci implique un travail conjoint du ministère de la Culture (MC) et du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (MTECT).

Approche interministérielle à favoriser

Certaines des mesures préconisées se concrétisent actuellement. Le nouveau dispositif de formation et de certification des diagnostiqueurs, entré en vigueur le 1er juillet 2024, tient compte des caractéristiques des bâtiments classés. On nous a déjà annoncé la mise en place d’une plateforme informatique commune MC/MTECT, la parution d’un guide national sur la rénovation du bâti ancien, etc.

Enfin, les auteurs réclament une « instruction interministérielle relative à la prise en compte des spécificités du bâti ancien dans les politiques de rénovation énergétique. […] Cette directive aura pour objet de répondre aux enjeux de la rénovation énergétique tout en garantissant la préservation du patrimoine ». Elle s’adressera à absolument tous les acteurs : ADEME, Anah, architectes, artisans RGE, bureaux d’études thermiques, diagnostiqueurs, organismes certificateurs, agents immobiliers, etc.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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