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DIE et rénovation immobilière : entretien avec Cécile Thévenin

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Cécile Thévenin est adjointe à la sous-directrice Stratégie et Expertises de la DIE (Direction de l’immobilier de l’État). Elle est en charge de la transition écologique du parc immobilier de l’État.

Pouvez-vous nous expliquer votre parcours professionnel ?

Je suis ingénieure de formation, j’ai travaillé plus de 20 ans dans le privé avant d’arriver à la DIE en tant que contractuelle. J’ai exercé des fonctions en conception pendant 5 ans. Puis 15 ans dans une entreprise de BTP, en pilotage de projets complexes incluant des enjeux environnementaux dont la performance énergétique.

J’ai ensuite évolué au sein de cette société vers des sujets de transformation d’entreprise, d’abord autour du numérique. Et plus récemment sur le sujet de la transition environnementale au sens large : empreinte carbone, économie circulaire, biodiversité. Ainsi que tous les reportings associés, comme la taxonomie européenne.

le problème épineux de la rénovation du bâti public soulève un autre problème, celui de l’exposition professionnelle à l’amiante. Quel bilan après la mise en place en 2023 de la DTAtèque, une application dédiée au risque amiante au sein du parc immobilier de l’État ?

 Il faut tout d’abord rappeler que la direction de l’immobilier de l’État n’est pas maître d’ouvrage. Donc ce n’est pas elle qui porte les opérations. La DIE exprime la doctrine de la politique immobilière de l’État. Elle met à disposition des outils, des formations, des guides pour accompagner le réseau immobilier dans les projets.

Elle vérifie ensuite bien sûr que les projets respectent les orientations de la politique immobilière de l’État.
Sur la partie amiante, la DIE a été missionnée pour mettre à disposition des services une DTATtèque. C’est une bibliothèque informatique qui permet de recenser tous les diagnostics amiante réalisés dans notre parc, qui est assez volumineux. Depuis 2023, la DIE s’occupe du déploiement de cet outil pour que tous les services y adhèrent. Et c’est vraiment un succès grâce à un déploiement très bien mené malgré l’ampleur du parc.

Nous disposons aussi d’un outil plus ancien, le référentiel technique (RT). Il permet aux gestionnaires de déclarer un état de situation de leur bâtiment par rapport à l’amiante.

La DTAthèque permet dans un premier temps de récupérer et stocker les diagnostics en fichiers PDF.

En 2024, selon le dernier rapport de la DIE, 29.7 millions de mètres carrés de bâtiments publics ont été rénovés, notamment grâce au plan France Relance.

Pour remettre ce chiffre en perspective, il faut noter qu’il y a une gamme très étendue de niveaux de travaux concernés. Changer des lampes, changer une chaudière, c’est aussi une rénovation.

France Relance, c’est un programme financé par l’Union européenne qui a concerné 4000 projets avec une enveloppe de 2,7 Md €. Les gestes de rénovation sont très variables, cela va des plus petits, les « quick wins » ou travaux à gains rapides, jusqu’à des rénovations beaucoup plus conséquentes.

Un petit mot sur le programme CUBE État ?

Ce programme a été lancé de manière conjointe avec le CGDD (Commissariat général au développement durable) et le Cerema, avec des financements de la DITP (Direction interministérielle de la transformation publique).

Ce concours est une émanation du concours CUBE de l’IFPEB, l’Institut français de la performance du bâtiment. Il porte sur la sobriété énergétique. Le principe, c’est justement de faire des économies d’énergie sans toucher au bâti. Le concours CUBE concerne la partie comportement des utilisateurs, comme l’emblématique chauffage à 19°C. Et tout ce qui touche aux écogestes.

La première édition lancée à l’automne 2023, sur une saison de chauffe complète, a porté sur 1,7 million de mètres carrés. Ce qui est assez significatif étant donné la taille du parc . La moyenne de gains énergétiques est de 10,3 %, sachant que les meilleurs sont au-delà de 30 %. C’est une réussite et cela montre bien qu’on peut gagner en énergie de façon significative sans toucher au bâtiment.

Pour vendre une passoire thermique du parc résidentiel privé, les propriétaires doivent être en possession d’un audit énergétique. Sur quoi s’appuie la rénovation du bâti public ? À qui sont confiés les diagnostics avant travaux ?

Le parc immobilier de l’État fait environ 97 millions de m², ce qui est énorme, et avec une grande variété de typologies et de tailles d’actifs.

Schématiquement, en termes d’organisation, il est possible de distinguer une approche par région pour les services déconcentrés, et une approche par périmètre ministériel pour les administrations centrales. En région, l’immobilier de l’État est sous la responsabilité du préfet de région. Notre réseau des pôles régionaux de l’immobilier de l’État travaille main dans la main avec les préfets de région et leurs services généraux des affaires régionales.

Tous les cinq ans, ils sont amenés à mettre en place des stratégies pluriannuelles immobilières. Ces SDIR (schémas directeurs immobiliers régionaux) doivent décliner la politique immobilière de l’État.

Au niveau des ministères et des opérateurs de l’État, on parle de schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI). Ils sont conçus sur une même logique de réflexion à l’évolution du parc sur cinq ans. Ils prennent en compte les perspectives d’évolution des métiers.

Aujourd’hui, beaucoup de nos actions concernent la transition écologique et la sobriété immobilière. Comme le dit notre directeur, on ne fera pas la transition écologique de la France sans la transition écologique des services publics, et donc de l’immobilier de l’État. Nous ne pourrons pas l’opérer à périmètre constant.

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Donc pour nous, la sobriété immobilière, c’est-à-dire la réduction des surfaces, va de pair avec l’enjeu écologique. Aujourd’hui, la réduction de surface se base sur un ratio cible de 16 m² par résident.

Mais il faut aussi trouver un équilibre, avec des conditions de travail attractives, dans le cadre d’une logique multicritères.

Moins de mètres carrés, c’est moins de mètres carrés à entretenir, moins de mètres carrés à chauffer, à éclairer. Cela permet aussi de libérer des bâtiments qui sont remis sur le marché et donc de contribuer à l’objection ZAN (zéro artificialisation nette).

Notre nouvelle feuille de route sur la transition écologique intègre  cet axe de sobriété immobilière. Nous avons un bjectif de réduction de surface de 25 % de nos bureaux en 10 ans.

Il est demandé aux régions de se projeter sur 5 ans et d’identifier les opérations immobilières à mener pour réduire la taille de leurs bâtiments.

L’État est également assujetti au décret tertiaire. Il impose de réduire les consommations de 40 % d’ici 2030 par rapport à une année qui ne peut pas être antérieure à 2010. Puis 50 % en 2040, et 60 % en 2050. Mais la cible des 60 % n’est pas atteignable en changeant uniquement les comportements. Il est également nécessaire d’ intervenir sur le bâti.

Concrètement, comment sont décidés ces chantiers de rénovation ? Qui décide de donner la priorité à tel bâtiment ?

Nous avons évoqué les stratégies immobilières. Une fois celles-ci établies, on descend à l’échelle de l’opération immobilière. Les projets font l’objet d’une procédure de labellisation interne à l’État. Nous nous assurons que le projet, une fois qu’il rentre dans une phase plus active, choisisse le meilleur scénario pour répondre aux enjeux immobiliers.

C’est alors que sont lancés des diagnostics plus précis. On demande systématiquement des simulations thermiques dynamiques pour les projets les plus lourds. C’est un outil qui est très bien adapté pour optimiser la performance énergétique.

Par ailleurs, dans le cadre de marchés globaux, le prestataire est engagé sur la performance et la maintenance pendant quelques années. Donc ça permet de sécuriser la performance attendue sur les opérations.

Nous cherchons à privilégier cette logique de décision des opérations basée sur les stratégies immobilières. Jusqu’à 2023, notamment avec le plan de relance, les choix des projets étaient réalisés dans le cadre d’appels à projets. Le critère était sur le gain énergétique à l’euro investi. Ce qui a tendance à favoriser les opérations à gains énergétiques rapides, comme les changements de luminaires passés en LED ou d’autres mono-gestes. Aujourd’hui, on essaie de sortir de cette logique pour vraiment se projeter à long terme, notamment pour favoriser la densification.

Pour revenir aux diagnostiqueurs immobiliers, le métier ne s’arrête pas à la seule performance énergétique, qui prend d’ailleurs aussi en compte le confort d’été. amiante, plomb, ERP et recul du trait de côte, gaz et électricité…les réglementations en vigueur sont-elles suffisantes face à de tels enjeux de santé publique et de sécurité ?

Il faut d’abord souligner que notre réglementation est l’une des plus contraignantes et ambitieuses en Europe.  Il y a toutefois encore beaucoup à faire. Mais on se heurte à des contingences matérielles, financières, humaines, de ressources…

L’équation est compliquée d’un point de vue européen. Il ne suffit pas juste de redresser l’objectif pour rattraper tout ce qui n’a pas pu être fait depuis des décennies.

Aujourd’hui, avec l’évolution déjà à l’œuvre du climat, je dirais que le confort d’été pourrait être davantage pris en considération.

Dans la RE 2020, c’est la canicule 2003 qui est prise en compte. Mais quand on regarde les projections, 2003 sera en fait un été comme les autres.

Il faut saluer le fait que la France est tout de même l’un des rares pays à avoir un plan d’adaptation au changement climatique avec des outils qui fonctionnent et une dynamique en place.

Malheureusement, les événements vont plus vite que notre temps d’action et de mise en œuvre des réglementations. Même la science ne va plus assez vite, mais on travaille sur ces sujets.

À mon sens, le confort d’été va devenir le problème numéro un, le profil de risque change.

Les diagnostics se multiplient, les DPE ne sont pas toujours suffisants pour pouvoir faire des travaux bien calibrés. Peut-être qu’il faudra un jour avoir des diagnostics mutualisés.

À titre personnel, comment vivez-vous votre transition énergétique ?

Une fois qu’on commence à s’intéresser à ce que l’on émet en gaz à effet de serre et consomme en énergie, on prend conscience des actions que l’on peut mettre en place. Beaucoup de personnes ne veulent pas voir parce que cela fait trop peur. Personnellement, j’ai fait un bilan carbone pour savoir où j’émettais le plus. parce que l’empreinte carbone se cache dans des choses qu’on ne voit pas.

Sur la partie énergie, j’habite une copropriété des années 70, dont ce n’est pas la chose la plus simple à gérer, puisque le chauffage est collectif sans possibilité de régulation. J’ai quand-même de la chance, l’immeuble va passer à la géothermie. Et puis des petits gestes, suivre sa conso sur le compteur Linky, arrêter la cuisson des pâtes plus tôt, prendre l’escalier plutôt que l’ascenseur, prendre les transports en commun ou le train plutôt que la voiture, acheter de seconde main…

Une petite note positive pour conclure notre entretien ?

Le côté positif, c’est que les solutions, on les connaît. Réussir cette transition, c’est à notre portée.

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1 Commentaire

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  1. S
    STEPHANE 12 juin 2025 - 10h42

    bonjour
    a t-on essayé de simuler l’évolution des températures moyennes extérieures des années qui viennent d’ici 2035 ? qui vont forcément évoluer à la hausse et qui, mécaniquement, vont faire baisser les consommations simulées par le dpe, ce qui constitue en soit une évolution positive aux enjeux environnementaux, le confort d’été devenant de plus en plus préoccupant et peu anticipé, comme d’habitude…

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Article rédigé par Laure, rédactrice de Quotidiag
Diplômée en droit, ex-clerc de notaire nichée Vente et Copropriété, elle a fait le choix de la liberté en 2021. Rédactrice toujours, mais indépendante : c’est tout naturellement que le diagnostic immobilier s’est imposé à elle.

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