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Demain 8 mars, c’est la journée internationale des droits de la femme. L’occasion pour Quotidiag de rencontrer Priscilla Petinga, Romy Payot et Élodie Bibollet-Ruche, trois femmes inspirantes et influentes dans le secteur du diagnostic immobilier.
Portrait de trois battantes qui ont su s’imposer dans un milieu typiquement masculin.
Entretien avec Priscilla Petinga, fondatrice et dirigeante de DACQ’Air et diagnostiqueuse
Vous êtes experte en qualité de l’air mais aussi diagnostiqueuse (ou diagnostiqueure ?). Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?
Je vais utiliser le terme de « diagnostiqueuse » pour mettre un peu de féminité dans le métier !
J’ai fait des études en sciences, et je cherchais un métier en relation avec l’environnement. Il y a une vingtaine d’années, on s’occupait déjà beaucoup du traitement des eaux, mais on entendait peu parler de l’aérocontamination. Je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire dans ce domaine. J’ai suivi l’unique formation qui existait à cette époque.
Puis j’ai travaillé en tant que chercheuse, avec une compétence double en traitemet des eaux et en traitement de l’air.
Ensuite, j’ai travaillé à peu près six ans dans les systèmes de traitement de l’air des bâtiments. J’ai tout de suite compris que ces systèmes étaient performants, mais que leur conception complexe rendait leur mise en oeuvre difficile. Je me suis alors orientée vers l’exploitation des bâtiments, sur les aspects qualité d’air et ventilation. Je voulais comprendre comment ces systèmes étaient exploités.
Par la suite, j’ai pris la décision de m’installer à mon compte pour réaliser des audits en qualité de l’air, et j’ai complété mon activité avec celle de diagnostiqueur immobilier.
Vous êtes diagnostiqueuse depuis 2023 : ce métier correspond-il à vos attentes ?
L’aspect technique du métier de diagnostiqueur immobilier et la diversité des missions qu’il permet me plaisent. Par contre, il y a beaucoup de contraintes administratives, et beaucoup de frais.
Je pense aux certifications très coûteuses, jusqu’à 5.000 € par an, sans parler du temps passé à récupérer des données qui finalement n’apportent rien à la technicité du métier. Ces données servent aux statistiques de l’État, par exemple l’invariant fiscal ou le numéro de copropriété. Je suis un petit peu déçue sur cet aspect-là : le fer de lance de notre métier, c’est quand même la sécurité et la santé des personnes.
En tant que femme, comment gérez-vous votre double casquette de diagnostiqueuse et experte en QAI ?
J’y arrive parce que je ne suis pas seule pour tout gérer, je suis bien entourée, heureusement.
Vous avez choisi un métier typiquement masculin. Comment vos clients accueillent-ils le fait que vous soyez une femme ?
Au téléphone en effet, on me dit souvent « Vous direz à votre technicien… »
C’est vrai que globalement, on sent quand même encore une méfiance au regard d’un métier qui est majoritairement exercé par des hommes. En tant que femme, on se sent peut-être plus observée. Il y a plus de curiosité et surtout plus d’attentes.
En contrepartie, certaines personnes pensent qu’un travail réalisé par une femme sera plus soigné, ça peut aussi être positif.
Comment voyez-vous l’avenir du métier de diagnostiqueur ?
Ce métier est quand même difficile quand on a tout à construire, notamment le relationnel avec les agents immobiliers, les notaires. Si ce relationnel n’est pas là de base, c’est quand même vraiment difficile de développer une clientèle face aux grosses structures déjà présentes sur le marché.
La confiance à gagner est je pense plus difficile quand on est une femme, même si je n’ai pas de preuve en ce sens. Ce métier est d’autant plus difficile en tant que femme pour les missions avant travaux.
Mais malgré ça et malgré les nombreuses contraintes règlementaires, le poids des charges et les frais de déplacement, même s’il faut faire beaucoup de diagnostics pour gagner sa vie, le métier reste évolutif et très intéressant.
Propos recueillis le 24 février 2025
Entretien avec Romy Payot, experte du bâti, directrice technique Alliance-diag, et administratrice du groupe Facebook « Nous, Diagnostiqueurs »
Vous évoluez depuis plusieurs années dans le monde du diagnostic immobilier. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?
Depuis 2007, j’ai entrepris un véritable tour d’horizon de mon métier en multipliant les formations pour en maîtriser tous les aspects. J’ai commencé par une formation de diagnostiqueur immobilier, puis j’ai approfondi mes connaissances en thermographie, infiltrométrie et réglementation thermique des bâtiments existants.
Mon parcours m’a également amenée à explorer les pathologies des énergies renouvelables, de l’humidité, des bétons et des couvertures. J’ai choisi de compléter ma formation par un cursus en expertise de bâtiment amiable et judiciaire.
J’ai également décidé de renforcer mes compétences en passant un BTS Professions Immobilières, obtenu en 2019.
En parallèle, j’ai fondé mon cabinet de diagnostics immobiliers en 2008. J’ai expérimenté différentes configurations d’équipe, d’abord en solo, puis en recrutant diagnostiqueurs, commerciaux et secrétaires, pour finalement trouver mon équilibre actuel.
Aujourd’hui, je m’entoure de deux techniciens en qui j’ai toute confiance. Nous travaillons dans une relation d’égal à égal, ce qui apporte une vraie sérénité et une efficacité optimale dans la gestion du service après-vente et l’organisation des missions.
J’ai à cœur de contribuer activement à la profession en tant qu’administratrice du groupe Facebook « Nous, Diagnostiqueurs ». Ce groupe est devenu un véritable espace d’entraide, de partage technique et d’échanges. Il réunit aujourd’hui 3.600 diagnostiqueurs immobiliers. C’est une fierté de voir cette communauté grandir et s’épanouir autour de valeurs de solidarité professionnelle.
On ne peut pas dire que les femmes qui choisissent le métier du diagnostic immobilier soient très nombreuses. Comment interprétez-vous le regard de vos clients ?
Lorsque j’ai débuté, certains clients me voyaient uniquement comme une secrétaire. L’idée que je puisse être à la fois technicienne et cheffe d’entreprise était impensable pour eux, ce qui me faisait sourire.
Aujourd’hui, plus de 15 ans plus tard, j’observe une évolution significative des mentalités. Les préjugés misogynes appartiennent désormais au passé et les choses sont rentrées dans l’ordre.
Vous percevez cette évolution aussi au niveau de vos confrères diagnostiqueurs ?
Lorsque je me suis installée, le regard de mes confrères était partagé. Certains me considéraient comme leur égale, tandis que d’autres doutaient de ma capacité à conjuguer vie professionnelle et le fait que je m’occupais également de mes enfants, attendant inévitablement ma chute. J’ai même reçu des propositions de rachat visant à me faire disparaître. Aujourd’hui, je suis toujours là, et eux, non.
À ce propos, j’imagine qu’il vous a fallu beaucoup d’organisation pour concilier vie pro/vie perso avec un métier si prenant ?
J’ai su concilier vie professionnelle et vie personnelle tout en veillant à ne jamais manquer les moments importants avec mes enfants. Mes semaines débutaient le lundi et se prolongeaient jusqu’au dimanche, avec des horaires tardifs, afin de dégager des plages précieuses pour eux. Il n’était pas question de rater le gala de danse, les matchs de basket ou les instants du coucher du soir. Une fois les enfants endormis, il était temps de retourner travailler.
Cet investissement total ne se définit pas par le genre. C’est un esprit entrepreneurial, que je ne regrette pas aujourd’hui. Mes enfants, eux, me semblent équilibrés. Je suis convaincue qu’ils ont compris les sacrifices consentis pour construire ce projet de vie.
Propos recueillis le 26 février 2025
Entretien avec Élodie BIBOLLET-RUCHE, diagnostiqueur immobilier à Annecy (Azzola-Berthelin Expertises)
Vous êtes diagnostiqueuse depuis dix ans : vous pouvez nous en dire plus sur votre parcours ? Mais tout d’abord, diagnostiqueuse ou diagnostiqueur ?
Je me suis toujours présentée comme diagnostiqueur sans chercher à féminiser le nom, mais pourquoi pas !
Cela fait dix ans tout pile ce mois-ci que je suis diagnostiqueur, après une reconversion professionnelle forcée. Je travaillais en atelier de fabrication de menuiserie intérieure, déjà dans le bâtiment donc, quand j’ai eu un accident qui m’a forcée à arrêter. En recherche d’un nouveau métier à cause de mes soucis de santé, je suis tombée par hasard sur le diagnostic immobilier. J’ai eu un vrai coup de cœur. Je me suis lancée dans le diagnostic immobilier tout simplement parce que j’ai tout de suite senti que ce métier me correspondait totalement.
Je me suis formée aux côtés de Gino Foucault. Sans son aide, je n’en serais pas là aujourd’hui, j’en profite pour le remercier pour tout ce qu’il a pu m’apporter.
J’ai d’abord passé quelques années dans un cabinet de diagnostic immobilier qui a grossi petit à petit, jusqu’à regrouper cinq techniciens et deux assistantes. Je formais les nouveaux diagnostiqueurs et j’étais en charge du maintien de leur niveau de compétence. C’était très intéressant. Mais le fait que je sois une femme « gênait ». J’ai été confrontée au fait que certains collègues n’apprécient pas d’être formés par une femme. Tout ça au moment où j’attendais ma fille. J’ai donc décidé d’intégrer un plus petit cabinet. Je travaille tout autant mais avec plus de liberté pour m’organiser.
Cela fait trois ans que je travaille seule avec mon patron. Je suis certifiée pour toutes les missions, mais il arrive quand même de temps en temps qu’on me prenne pour sa secrétaire !
Dix ans après, vous êtes heureuse d’avoir fait ce choix du diagnostic immobilier ?
Oui, toujours autant ! Toutes les journées de travail sont différentes. Je fais aussi de l’avant-travaux, j’aime toutes les missions. Transactions, copropriété, démolition, beaucoup de choses différentes, c’est ça qui est très sympa. On ne s’ennuie jamais.
Aucun regret d’avoir fait ce choix il y a dix ans, même si je trouve que nous, les diagnostiqueurs, sommes trop épiés. Je vérifie toujours tout ce que je fais plusieurs fois, dans la crainte qu’un client se retourne contre moi. Je me tiens au courant de toutes les évolutions réglementaires.
En tant que femme et maman solo, vous arrivez à concilier vie pro/vie perso ?
Ça demande une bonne organisation. Mais oui, maintenant je gère ça plus facilement qu’à mes débuts. Aucun souci sur cet aspect-là.
Être féminine et exercer un métier traditionnellement réservé aux hommes, c’est possible, vous en êtes la preuve ! Comment vos clients accueillent-ils le fait que vous soyez une femme ?
Ça dépend ! Quelquefois, les clients sont très contents d’avoir affaire à une femme. Mais certains sont quand même surpris quand ils voient arriver une petite blonde aux yeux bleus très coquette. Il arrive qu’on me demande si je vais y arriver toute seule !
Avec le temps, j’ai pris du recul sur ce genre de situation que je tourne à la rigolade. Je n’ai de toute façon jamais eu le profil de mon métier, la question était la même quand je travaillais en menuiserie.
Globalement, le relationnel avec les clients et les confrères se passe très bien. Aujourd’hui, à 35 ans, je peux dire que j’ai réussi à faire ma place.
Propos recueillis le 4 mars 2025
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