Le diagnostiqueur a besoin de renseignements pour réaliser un DPE. Il lui faut aussi un accès aux locaux pour contrôler l’installation électrique. Sinon, le vendeur peut avoir à restituer le prix de vente et à indemniser les préjudices de l’acquéreur, y compris plus de 10 ans après la transaction immobilière. Ceci est un grossier résumé de l’affaire récemment jugée à Caen. Que cela serve néanmoins de rappel aux propriétaires de logements…
Achat d’un immeuble rénové en mauvais état
Fin 2013, Mme X. achète un immeuble récemment rénové auprès des époux C. Certains travaux ont été confiés à une entreprise, d’autres ont été réalisés par les vendeurs. Le dossier de diagnostic technique, géré par le diagnostiqueur M. D., contenait notamment un DPE (classe E) et un diagnostic électrique (aucune anomalie). Me E., notaire, s’est chargé du reste.
Dès son emménagement, Mme X. souffre du froid, de l’humidité et fait face à différents désordres. En outre, l’installation électrique est défectueuse. S’ensuivent un procès-verbal de constat, un rapport établi par un autre diagnostiqueur, une expertise judiciaire, etc.
Faute de règlement amiable du litige, l’acheteuse assigne le notaire, le diagnostiqueur, les entreprises de travaux, leurs assureurs et les vendeurs devant le tribunal. Elle demande la résolution de la vente et l’indemnisation de ses préjudices. Zoomons sur les diagnostics litigieux (le DPE et l’état de l’installation intérieure d’électricité).
DPE erroné fautes d’éléments fiables
Concernant le DPE, l’expert aboutit à un classement F voire G au lieu de E. Cependant, il souligne que le vendeur « avait été dans l’incapacité de produire des éléments fiables permettant au technicien d’établir un contrôle ». Il a refusé de fournir des factures d’électricité pour le DPE sur facture et les informations permettant d’utiliser la méthode 3CL.
En prime, la suppression du poêle à bois défaillant et les importants travaux réalisés après la visite du diagnostiqueur faussent le DPE initial. L’expert conclut donc au caractère erroné du diagnostic « faute de renseignements techniques précis et de la non-communication des factures de consommation de l’année précédente ».
Diagnostic électricité vs conformité
Le vendeur, électricien de métier, a réalisé une installation électrique défectueuse et incomplète. En résultent, entre autres, le non-fonctionnement du poêle à bois (mauvaise implantation électrique, câble électrique non gainé traversant le coffre) et de la pompe de relevage (non raccordée).
Cependant, d’une part il n’appartenait pas au diagnostiqueur de relever ces non-conformités, compte tenu des points de contrôle du diagnostic électrique. D’autre part, M. D. n’a pas pu visiter le grenier, faute de moyens d’accès. Il l’a bien précisé dans son rapport. Sinon, il aurait pu constater certains problèmes manifestes. Enfin, son diagnostic électricité respectait parfaitement la norme XP C 16-600. Or le sapiteur s’est basé sur la C15100.
Bref, il n’y a aucun « lien avéré entre les préjudices dont Mme X. réclame réparation au regard des vices cachés ayant justifié la résolution de la vente et un quelconque manquement de M. D. à ses obligations… » Rien ne permet de mettre en exergue une faute de l’opérateur de diagnostic.
obligations du notaire respectées
L’acquéreuse reproche plusieurs fautes au notaire. Principalement, il aurait manqué à son obligation de conseil. Me R. répond qu’il n’avait pas connaissance des vices cachés. Les époux C. lui avaient dit que l’installation électrique n’était pas neuve, mais qu’elle venait d’être rénovée. Il a pris l’initiative de demander un diagnostic électricité. De plus, le compromis de vente mentionnait les limites du diag. On y lisait ainsi :
« Certains points de contrôles n’avaient pu être effectués de sorte qu’il était rappelé que la responsabilité du propriétaire restait pleinement engagée en cas d’accident ou d’incident ayant pour origine une défaillance de tout ou partie de l’installation n’ayant pu être contrôlée ». L’acquéreur reconnaissait en avoir pris connaissance et en faire son affaire personnelle.
La cour juge que le notaire n’a pas manqué à ses obligations de vérification, d’information et de conseil. En général, tout provient des négligences des époux C., y compris les autres désordres, certains étant apparents et ne relevant donc pas des vices cachés. Circonstance aggravante : M. C. est un professionnel de la construction.
Demandes des époux C et condamnation
M. et Mme C. demandent, en cas de prononciation de la résolution de la vente, la condamnation de Mme X. au paiement d’une indemnité d’occupation de 500 € par mois, sans apporter la preuve du préjudice subi.
De toute façon, « les vendeurs, considérés comme ayant eu connaissance des vices de la chose vendue, ne peuvent prétendre à l’indemnisation d’un préjudice causé par leur propre mauvaise foi ». Ils font aussi une demande en garantie à l’encontre des autres intimés, rejetée. Les époux C. sont les seuls condamnés, in solidum. Ils doivent :
- restituer les sommes de 129 000 € (prix de vente) et 8413,48 € (frais de publicité foncière, etc.) contre restitution du bien ;
- payer 32 000 € à l’acquéreuse au titre de son préjudice de jouissance ;
- payer 5 000 € en réparation du préjudice moral ;
- payer 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Cour d’appel de Caen, RG n°21/02549, 8 octobre 2024.
Je ne comprends pas comment le premier DPE a pu être en E s’il n’y avait pas les factures?? sur quoi s’est basé ce diagnostiqueur? Le DPE aurait dû être vierge, ce qui était permis à l’époque dans le bâtiment ancien. Ou alors l’article est incomplet? Vous indiquez dans le même paragraphe « Il a refusé de fournir des factures d’électricité pour le DPE sur facture » puis « la non-communication des factures de consommation de l’année précédente », ce qui ne veut pas dire la même chose : les factures des années antérieures ont peut-être été fournies?
Le problème, avec ces décisions, c’est qu’elles sont toujours incomplètes. Voici ce qui est écrit exactement :
« L’article L134-1 du code de la construction et de l’habitation définit le diagnostic de performance énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment comme un document qui comprend la quantité d’énergie effectivement consommée ou estimée pour une utilisation standardisée du bâtiment ou de la partie de bâtiment et une classification en fonction de valeurs de référence afin que les consommateurs puissent comparer et évaluer sa performance énergétique. Il est accompagné de recommandations destinées à améliorer cette performance.
Il ressort du rapport d’expertise judiciaire, que le DPE remis à Mme [X] ne correspond pas à la réalité telle que constatée.
En effet, ce document classe la maison en catégorie E en terme de consommation énergétique alors que l’expert judiciaire conclut à un classement F voire G, en concluant au caractère erroné du diagnostic faute de renseignements techniques précis et la non communication des factures de consommation de l’année précédente, soulignant que M. [C] avait été dans l’incapacité de produire des éléments fiables permettant au technicien d’établir un contrôle.
Toutefois, l’article L131-4 précité prévoit que ce diagnostic peut aussi être établi au regard de la quantité d’énergie estimée pour une utilisation standardisée du bâtiment ou de la partie de bâtiment, ce qui a été effectué par M. [D] en fonction des caractéristiques intrinsèques de la maison ce, en l’absence de production des factures d’électricité.
De surcroît, le tribunal a exactement relevé que selon l’expert, la différence entre les performances annoncées et les difficultés et surcoûts de chauffage rencontrés par Mme [X] étaient liés au non-respect par cette dernière de la ventilation du chauffage ‘électricité/bois’ et à sa mauvaise compréhension du diagnostique sur ce point, relevant que ‘la suppression ‘forcée’ du poêle a fait que le DPE ne correspondait plus à l’étude de M. [D]’.
En outre, l’expert a relevé que l’isolation thermique avait pu être perturbée par la réalisation par Mme [X] d’importants travaux relatifs à la découverture de deux parties de versants et à la démolition et la réfection d’un plancher haut du rez-de-chaussée.
M. [D] est étranger à ces circonstances survenues postérieurement à l’élaboration de son diagnostic ».
Au début du DPE (et là on parle de diags réalisés en 2013), pour de l’ancien on pouvait faire sur facture ou en 3CL. Et la méthode sur facture était recommandée pour de l’ancien, à défaut des relevés de consommation, on faisait une 3CL.
Ce qui me m’amène à une petite réflexion. Le DPE évolue, et en cas de litige, il faut que l’expert qui contrôle ça en refaisant un DPE, le fasse dans les mêmes conditions que le DPE litigieux. Pour les plus anciens DPE, les logiciels n’étaient pas accrédités et on avait des écarts importants. Si on prend le DPE 2020, il y a eu tout un tas de petites mis à jour sur la 3CL depuis juillet 2021, et ça change le résultat…