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Comment réaliser un diag PEMD de qualité ?

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Adhel JEMAI, actuel dirigeant et directeur technique de la société BUILDIAGNOSTIC (diagnostics et inspections techniques des bâtiments) et gérant de la société C2C CONSULT, est dans le métier depuis plus de 15 ans. Ancien responsable de la direction technique et qualité chez DIAGAMTER et Aléa Contrôles, il a fait partie de divers groupes de travail à la DHUP, au CSTB, et occupé des postes de responsable d’agence et de directeur opérationnel.

Adhel JEMAI connaît bien le diagnostic PEMD (portant sur la gestion des produits, équipements, matériaux et déchets) qu’il réalise déjà. Il a accepté de partager son expérience avec nous, avant l’entrée en vigueur de l’arrêté du 26 mars 2023 et la mise à disposition de la plateforme PEMD, le 1er juillet 2023.

Quelle est la situation du diagnostic PEMD aujourd’hui ?

Les textes ont bien été publiés, mais les dispositifs réglementaires ne sont pas encore totalement mis à disposition des maîtres d’ouvrage. Aujourd’hui, nous sommes encore dans une période de flou juridique. Réglementairement, nous devons réaliser le diagnostic PEMD. Cependant, le ministère n’a pas tout mis en place pour pouvoir le faire de manière réglementaire. Même si l’arrêté est paru, il manque encore la plateforme du CSTB et le recensement des éco-organismes en lien avec la REP. Ensuite, ce sera une petite révolution dans le domaine du bâtiment.

En dehors du nombre de bâtiments concernés, y a-t-il un vrai changement par rapport au diagnostic déchets ?

C’est presque le même modus operandi, mis à part qu’il y a un tronc complémentaire qui est d’envergure. C’est la hiérarchisation des modes de traitement. Auparavant, le diagnostiqueur devait simplement recenser, localiser et estimer la quantification des déchets pour donner l’information à son maître d’ouvrage. Le maître d’ouvrage devait lui-même transmettre le Cerfa de récolement sur la base de l’Ademe. Aujourd’hui, on va beaucoup plus loin dans la démarche.

En plus de localiser, matérialiser, quantifier, le diagnostiqueur doit donner, pour information au maître d’ouvrage, le potentiel de réemploi, réutilisation, recyclabilité, et élimination de la ressource avec, en prime, les modalités de dépôt, d’entreposage et de stockage. Il prend en compte les DEA (les déchets d’ameublement) et les ressources extérieures (arbres, arbustes…) dans le cadre de la hiérarchisation des modes de traitement. Tout cela n’était pas forcément pris en compte dans le diagnostic déchets du décret de 2011.

Enfin, comme vous l’avez souligné, le champ d’application change puisque le nouveau diagnostic concerne aussi certains bâtiments dont la réhabilitation est significative. On ne parle plus de démolition, mais de déconstruction sélective.

Le « diagnostiqueur déchets » devra donc acquérir de nouvelles compétences ?

Oui, tout à fait, il y a des compétences à acquérir pour ce tronc complémentaire. D’ailleurs, cela implique des formations, un accompagnement, et peut-être un tutorat de base sur les premières missions. Il faudra s’assurer que le diagnostiqueur répond aux exigences de la réglementation. Il y a des compétences intrinsèques qu’il faut déjà avoir, mais une formation est nécessaire.

Une personne physique réalisant le diagnostic doit être compétente en matière de prévention et de gestion des déchets ainsi qu’en matière de techniques du bâtiment ou d’économie de la construction. De plus, elle doit fournir la preuve d’une expérience professionnelle de trois ans de technicien ou agent de maîtrise du bâtiment.

Aujourd’hui, des formations sont dispensées par Labo’CERT, par le CSTB… Toutefois, une formation ne permet pas de s’assurer que le diagnostic PEMD est de qualité. Avoir déjà réalisé des diagnostics déchets est un plus. Cette expérience permet d’être structuré et d’avoir un cheminement logique et cohérent dans son inventaire. Cela reste un inventaire exhaustif, d’où l’importance d’être « suivi » par un référent.

Un diagnostiqueur qui n’a fait que des diags à la transaction peut-il s’aventurer sur ce terrain ?

Un diagnostiqueur qui n’a fait que de la transaction en B2C va être habitué à réaliser ces diagnostics amiante, plomb, termites, gaz, etc. de manière un peu chronophage. Pour réaliser un PEMD, on doit prendre en considération, en amont de la mission, le temps de repérage avant les opérations de démolition ou de travaux. En l’occurrence, ce sont les repérages amiante et plomb avant travaux et/ou démolition.

C’est très important pour pouvoir quantifier ces polluants du bâtiment, ou reprendre la quantification issue des rapports de repérage, et de les orienter directement dans les filières dédiées. Si le diagnostiqueur n’est pas lui-même certifié amiante mention, ou n’a pas l’habitude de réaliser des rapports de repérage dans du tertiaire, il n’aura pas cette faculté.

Il est conseillé que le diagnostiqueur ait déjà fait des repérages amiante avant travaux/démolition, et plomb avant travaux/démolition. Cela lui permet d’être habitué à lire et à décrypter les rapports fournis. Il faut savoir déchiffrer des documents de marché et des plans, comprendre ce qu’est un programme de travaux avant l’opération… En prime, il faut avoir l’habitude de s’entretenir avec les parties prenantes, différentes de celles du B2C. Enfin, la capacité à mettre en place une gestion des risques adaptée, en amont de la mission, est essentielle.

Dans l’avant location/vente, on rencontre des agents immobiliers, des propriétaires et des notaires. Dans le tertiaire, ce sont des maîtres d’ouvrage, des maîtres d’œuvre, des assistants à la maîtrise d’ouvrage amiante, des sociétés de travaux, des cureurs et des désamianteurs, des démolisseurs et des économistes. Nous n’avons pas du tout affaire à la même typologie de parties prenantes.

Pourtant, la réglementation n’impose pas une certification avec mention ?

Non. Mais pensez-vous que les maîtres d’ouvrage vont demander à une société de faire le repérage amiante ou plomb avant travaux et à une autre de faire le diagnostic PEMD ? L’idéal, c’est de disposer de toutes les compétences. Qui de mieux qu’un diagnostiqueur pour faire le triptyque : le repérage amiante avant travaux/démolition, le plomb avant travaux /démolition et le PEMD ? Il aura recensé de nombreux éléments en amont. Ses propres documents lui permettront d’être très précis et cohérent dans son PEMD.

Si le diagnostiqueur sans mention n’a pas l’habitude ou possède une expérience faible, il se retrouve bloqué. En revanche, l’opérateur certifié avec mention pour l’amiante ou le plomb sera le mieux placé pour répondre à cette prestation auprès du maître d’ouvrage. Les maîtres d’œuvre, les AMO et les architectes ont également la possibilité de le faire. Par contre, ils ne pourront pas réaliser les repérages avant travaux / démolition. C’est pourquoi le diagnostiqueur est aujourd’hui le prestataire parfait pour répondre à tous les besoins du maître d’ouvrage.

D’ailleurs, cela relève bien de la responsabilité du maître d’ouvrage ?

Exactement. Le maître d’ouvrage est responsable, il doit s’assurer des compétences attendues du diagnostiqueur. Cela dit, le diagnostiqueur a aussi une responsabilité quand on le contacte. Il doit avoir les qualifications, l’expérience et l’assurance qui couvre ce type de prestations. Mais comme le maître d’ouvrage aura une certaine responsabilité, il sera vigilant au moment de choisir son diagnostiqueur. À mon sens, il n’ira pas chercher un diagnostiqueur qui fait du B2C.

Puisque vous avez fait quelques diagnostics PEMD, quels sont vos ressentis terrain ?

J’en ai fait 4 ou 5, sur de la réhabilitation très lourde et une grosse démolition. C’est beaucoup de travail. Cette mission est très fatigante et mobilise énormément de temps. Mais c’est extrêmement intéressant. Il faut savoir que c’est fastidieux puisque le diagnostiqueur doit être exhaustif et minutieux. Il faut s’armer de patience et faire un vrai travail de recherche. Cela s’accompagne également d’une certaine technicité.

L’autre point très contraignant, c’est la nécessité de recenser ce que l’on appelle la densité de la matière. La quantification concerne chaque produit, chaque matériau… La non-prise en compte de la densité de la matière peut fausser complètement les résultats.

Est-ce qu’il y a une durée moyenne pour la réalisation d’un PEMD ?

Non, cela dépend du type de polluants, du type de bâtiments, du nombre de cellules, de la typologie de l’ouvrage, des équipements… Si le bâtiment fait 10 000 m², mais qu’il contient 3 hangars et un bureau, ça ira beaucoup plus vite qu’avec un bâtiment de 1 000 m² avec des réseaux, des ascenseurs, des doublages, etc. La surface n’est absolument pas représentative du travail à fournir. C’est donc aléatoire. Pour un bâtiment lambda, par exemple une école maternelle avec 3-4 annexes, il faut prévoir déjà au moins 2 jours sur site, puis 3-4 jours pour le rapport.

Au niveau des formations PEMD, y a-t-il un référentiel ?

Il y a un référentiel et à l’issue de la formation, une attestation est délivrée. C’est une sorte d’autorisation d’exercer dans l’attente d’une validation plus officielle. Un titre professionnel a aussi été initié par des OF chez France Compétences.

Je pense que pendant encore 1 ou 2 ans, le temps que tous les éco-organismes soient recensés au sein du ministère, l’attestation de formation et le justificatif de compétences suffiront pour faire cette prestation. Cela va s’intensifier durant les prochains mois. Le durcissement des compétences se fera à mon sens dès lors que tous les dispositifs réglementaires seront déployés par le ministère.

Ceux qui le réalisent actuellement ont tous fait auparavant des diagnostics déchets ?

Oui, car il y a eu une période assez ambigüe où le Gouvernement a autorisé les deux prestations. Le diagnostic déchets pouvait encore être réalisé. Mais, dans le cadre d’une démarche volontaire de certains maîtres d’ouvrage, le diagnostic PEMD pourrait le remplacer. Pendant quelques mois, nous avons donc eu la possibilité de faire soit l’un, soit l’autre. Depuis l’arrêté du 26 mars 2023, l’arrêté du 19 décembre 2011 est totalement abrogé. Le CSTB est en train d’accélérer la cadence pour agrémenter la base de données. Nous pensons que la plateforme sera disponible au 1er juillet 2023.

En revanche, nous n’avons pas encore la liste exhaustive des éco-organismes dans le cadre de la REP et de la loi AGEC. Or ils sont chargés de piloter, collecter les déchets, répondre au maître d’ouvrage sur la gestion des ressources en fin de vie. Lorsqu’ils auront tous été validés, ils figureront dans une base de données réglementaire. Le maître d’ouvrage pourra alors, à partir d’un menu déroulant, sélectionner l’entité adaptée.

Actuellement, il n’y a encore pas assez d’acteurs qualifiés. Pour ma part, j’avais l’avantage d’avoir déjà pratiqué, avec mes équipes, des diagnostics déchets sur de gros bâtiments. Et puis, j’ai participé activement à cette réglementation puisque j’ai fait partie des groupes de travail. De nombreux diagnostiqueurs ne savent pas encore trop sous quel angle prendre cette nouvelle forme de mission.

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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