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Les consorts bailleurs confient la gestion de leur immeuble à un mandataire de gestion. Ce dernier reçoit une offre pour le local commercial au rez-de-chaussée. Il demande au diagnostiqueur A. de réaliser un « repérage des matériaux et produits de la liste A à intégrer au dossier amiante – parties privatives ». Le notaire annexe le rapport de diagnostic, qui conclut à l’absence d’amiante, à l’acte authentique. Le preneur découvre la présence d’amiante dans des panneaux de doublage mural (liste B).
Confusion entre DTA et DAPP
Dans le bail commercial, il est écrit : « chacune des parties reconnaît que le notaire soussigné l’a pleinement informée des dispositions du code de la santé publique imposant aux propriétaires de locaux tels que ceux loués aux présentes d’établir un dossier technique amiante [DTA] contenant un repérage étendu des matériaux pouvant contenir de l’amiante. Le bailleur déclare qu’un dossier amiante a été établi […] dont il résulte ce qui suit : dans le cadre de la mission, il n’a pas été repéré de matériaux ou produits susceptibles de contenir de l’amiante ».
Or, en réalité, le diagnostiqueur a réalisé un repérage des matériaux et produits de la liste A, à intégrer au DAPP. Le preneur à bail s’en aperçoit au moment de faire des travaux d’aménagement. En effet, selon l’expert judiciaire, les panneaux de doublage mural du local, apposés sur une surface d’environ 250 m², contiennent de l’amiante. Ils entrent aussi dans le périmètre de la recherche prévue par la liste B. Le dossier technique amiante en aurait tenu compte. En raison de la confusion entre DTA et DAPP, le preneur subit un préjudice de jouissance et une perte d’exploitation.
Bailleurs, notaire, mandataire et diagnostiqueur
Ensuite, chacun rejette la faute sur l’autre. Les bailleurs se déchargent de leur obligation de délivrance et incriminent la société X, mandataire. Celle-ci affirme n’avoir commis aucune faute en lien causal avec le préjudice du locataire. Quant au diagnostiqueur A., c’est X. qui a délimité sa mission. Enfin, le notaire, maître G., dit qu’il a « eu sa mission limitée par les parties afin de donner un caractère authentique à la convention de bail commercial arrêtée par les parties ».
Personne ne peut produire l’ordre de mission du diagnostiqueur. Cependant, selon le mandat de gérance, la société X est « en charge de la gestion et de la préparation des diagnostics ». C’est elle qui a circonscrit la mission et adressé le rapport au notaire, avec le DPE et l’état des risques. Finalement, la cour d’appel, comme le tribunal judiciaire auparavant, les condamne in solidum. Les bailleurs, le mandataire X., Maître G. et la société A. ont tous contribué au préjudice subi par le preneur.
respondabilité des parties prenantes
Les bailleurs ont manqué à leur obligation de délivrance en louant un local contenant de l’amiante. Le mandataire doit répondre des fautes qu’il commet dans sa gestion à l’égard de son mandant et des dommages en résultant causés au tiers. Le notaire aurait dû vérifier que le périmètre des recherches du diagnostiqueur était conforme aux obligations réglementaires. En prime, il a mentionné un « repérage étendu » dans l’acte authentique.
Enfin, le diagnostiqueur, « professionnel spécialisé dans les diagnostics immobiliers et rompu à l’application des normes applicables » est également responsable. Dans son rapport, il précise que l’immeuble est à usage mixte. Or le DAPP concerne les immeubles d’habitation. Il lui appartenait de « remplir son obligation de conseil auprès de sa mandante, la société X, afin de l’inciter à modifier le périmètre de sa mission ». Il a manqué à ses obligations contractuelles et engagé sa responsabilité à l’égard du preneur à bail.
réparation du préjudice
En revanche, les protagonistes sont tenus dans des proportions différentes. Lors du premier jugement, le montant à payer était de 127,74 € au titre du remboursement des loyers et 150 000 au titre de la perte d’exploitation. Le partage de responsabilité s’effectuait alors ainsi : 50 % à la charge de la société de diagnostics immobiliers, 20 % à la charge des bailleurs, 20 % à la charge de la société X et 10 % à la charge du notaire.
La cour d’appel confirme le jugement, sauf sur deux points. Primo, le préjudice de jouissance est de 52 244,66 €. Une expertise déterminera le montant de l’indemnité des pertes d’exploitation. Secundo, le partage de responsabilité est désormais le suivant : 50 % à la charge du diagnostiqueur, 10 % à la charge des consorts bailleurs, 20 % à la charge du mandataire et 20 % à la charge du notaire.
Cour d’appel de Bordeaux, RG n°22/04137, 17 janvier 2025.
Ce sont toujours les diagnostiqueurs qui portent le plus gros chapeau !!!
Encore une fois comment se faire empapaouter
Et heureusement !
Réaliser un repérage liste A ici est une faute professionnelle basique…
D’où l’importance de faire les bonnes préconisations, et ne pas se limiter à être un simple exécutant.
Oui, c’est la raison pour laquelle nous avons choisi de rédiger un article sur cette affaire. Les diagnostiqueurs peuvent se dire qu’après tout, le donneur d’ordre, son mandataire ou le notaire décide et qu’eux ils exécutent. En prime, leurs remarques ne sont pas forcément entendues et ils peuvent douter de leur interprétation des textes réglementaires. Il nous semblait donc utile d’alerter à ce sujet.
Et quel est le préjudice réel – le diagnostic est partiellement réalisé. Quelle est la solution logique – il faut la compléter. C’est tout. Pourquoi « préjudice de jouissance »? On peut louer les bien amiantés, donc aucun préjudice( je suppose que les parois ne sont pas dégradées – car ça ne serait pas louable non plus). Sois disant, il n’aurait pas pris s’il y’avait amiante? Mais il n’aura de toute façon aucune information complète, car pas de liste C à la vente – qu’est que ça change – il pourrait toujours y avoir de l’amiante même si rien dans la A et B. Le système « judiciaire » moderne me fait vomir. PS je sais ce que certains pourront me dire, mais du fait que l’Etat n’oblige pas les bailleurs à établir la liste B à la location d’habitation- on ne peut pas dire qu’il juge la chose si dangereuse et urgente….
Si ça avait été jugé par Salomon, je pense qu’il n’accepterait pas les plaintes du preneur, car le code de consommation (dans les art 1642-1644 je crois)dit que « il n’est pas responsable des vices dont l’acquéreur pouvait se rendre compte à l’achat » – et le locataire savait très bien à la signature que le repérage qu’il avait reçu était incomplet, mais au lieu de demander à le corriger il a décidé de se taire et porter plaintes par la suite. Donc une mauvaise foi. Pourquoi je dis ça? Parce qu’il a porté plaintes et a engagé un expert – s’il ne le savait pas il n’aurait pas pu faire ça, car , normalement , si le notaire à posé ça signature – on peut travailler et ne jamais se douter que le repérage est incomplet, car le dossier est au fond du tiroir et personne ne le demande…
J’ai regardé l’arrêté de la Cour d’appel, et on a plus de détails. Par exemple le locataire a fait faire un diagnostic complémentaire dans la perspective de réaliser des travaux dans le local, et c’est là que les doublage en amiante ont été repérés.
Quand un professionnel intervient il est responsable des conséquences de ses erreurs. Ici, les conséquences sont importantes parce que l’amiante était repérable avec un simple diag liste A et B. Si on avait eu de l’amiante non repérable lors d’un diag liste A+B, il n’y aurait certainement pas eu les mêmes conséquences.
Si les trois professionnels (agent immobilier, notaire, et diagnostiqueur) avaient fait leur boulot correctement, il y aurait eu un repérage des doublages en amiante et le preneur du local en aurait été informé, et aurait pu agir différemment (renoncer, négocier un tarif différent, demander un désamiantage au bailleur,…).
En lisant l’arrêt, on se rend compte qu’il y a 2 ans de délais entre le moment où l’amiante est repéré (par le diag avant travaux réalisé par le locataire) et la fin des travaux de désamiantage (à cause du litige). Donc perte d’exploitation du local. C’est une conséquence indirecte de l’erreur des trois professionnels.
Ce genre de jurisprudence permet de rappeler que les conséquences d’une erreur peuvent aller plus loin que ce qu’on pouvait imaginer.