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Amiante dans les cloisons intérieures, faute du diagnostiqueur

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Le diagnostic amiante avant-vente ne mentionnait pas la présence d’amiante dans les cloisons intérieures, découverte lors de travaux de rénovation. Le diagnostiqueur et son assureur sont condamnés. Pourtant, affirment-ils, les matériaux amiantés n’auraient pu être détectés qu’avec un repérage amiante avant travaux ou avec la technique du sondage sonore non imposée par la réglementation. Cette affaire, qui en rappelle d’autres, témoigne d’une tendance jurisprudentielle à l’œuvre depuis quelques années.

Diagnostic de l’état d’amiante et travaux de rénovation

La situation de départ est malheureusement classique. Les acquéreurs d’un bien découvrent la présence d’amiante au moment de réaliser des travaux de rénovation dans leur nouvelle maison. Dans son rapport, le diagnostiqueur avait pourtant conclu à la présence d’amiante… Mais uniquement dans deux conduits de la cave et dans les tôles ondulées du garage. Selon l’opérateur, les matériaux étaient dans un bon état de conservation et sans danger.

Les acheteurs découvrent, après expertise judiciaire, qu’il y a aussi de l’amiante dans les cloisons intérieures. Ils assignent l’agent immobilier, intervenu dans le cadre de l’achat du bien, la société de diagnostics, leurs assureurs, et la SCP de notaires qui a reçu l’acte de vente. Le tribunal judiciaire de Bobigny et la Cour d’appel de Paris ne condamnent que le diagnostiqueur et son assureur.

RAT et détection des matériaux contenant de l’amiante

Pour se défendre, la société de diagnostics et son assurance utilisent divers arguments :

  • L’état d’amiante avant-vente oblige à faire un repérage visuel sans travaux destructifs
  • Les matériaux litigieux n’ont pas fait l’objet d’analyse et il n’y a donc pas de preuve
  • Les matériaux contenant de l’amiante étaient recouverts de tapisserie et de peinture
  • La présence de plaque en fibrociment pour matérialiser des cloisons est inhabituelle
  • Le sondage sonore, nécessaire dans ce contexte, n’est pas imposé par la réglementation
  • L’entreprise chargée des travaux aurait dû ordonner un repérage amiante avant travaux

Selon eux, pour découvrir la présence d’amiante, il n’y avait que deux solutions. Il fallait soit réaliser des travaux de destruction partielle des cloisons, soit utiliser la technique du sondage sonore. Cette dernière est en outre difficile à mettre en œuvre quand il y a de tels revêtements.

Portée du repérage amiante avant la vente du bien

Le tribunal rappelle d’abord que la présence d’amiante dans les cloisons a été attestée par une expertise, indépendamment des analyses. La cour cite ensuite la norme AFNOR NF X 46-020 pour justifier la condamnation du diagnostiqueur. Le repérage amiante comprend au minimum une inspection visuelle, mais des investigations approfondies, des sondages et des prélèvements doivent être entrepris s’ils sont nécessaires.

Ces investigations auraient dû être réalisées par sondage sonore et par sondage à l’aide d’un poinçon. L’entreprise de diagnostics aurait alors pu s’assurer de la nature du matériau qui formait la cloison. Faute d’avoir réalisé un diagnostic amiante suffisamment complet, le diagnostiqueur a commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle envers le couple d’acquéreurs.

Indemnisation des préjudices subis par les acheteurs

La somme à allouer aux acheteurs du bien immobilier s’avère conséquente :

  • 34 786, 92 € au titre de l’indemnisation du préjudice matériel
  • 20 000 € au titre de l’indemnisation du préjudice moral
  • 6 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

Cette indemnisation tient compte des travaux de désamiantage, du préjudice psychologique et moral, etc. C’est peu comparativement au montant réclamé par les acquéreurs, à savoir 267 397,19 €.

Jurisprudence et présence d’amiante dans les cloisons

Une situation similaire s’est déjà présentée à plusieurs reprises par le passé. En 2016, après la vente d’une maison, la présence d’amiante avait été décelée sur les cloisons et les doublages des murs. Elle n’était pas non plus mentionnée dans le diagnostic amiante annexé à l’acte de vente. La Cour d’appel d’Amiens avait alors rejeté la demande des acquéreurs :

« L’arrêt retient que l’ensemble des parois et des murs et cloisons était recouvert de papier peint et que les plaques de revêtements muraux litigieuses n’étaient ni visibles, ni accessibles, que la société (…) avait réalisé sa mission, consistant à repérer l’amiante sur les parties visibles et accessibles lors de la réalisation du diagnostic, que la méthode dite par « sondage sonore » n’est pas prévue par la norme NF X 46-020… »

Mais la Cour de cassation avait cassé et annulé l’arrêt (Pourvoi n°16-21-942, 14 septembre 2017). Manque à ses obligations le diagnostiqueur qui se contente d’effectuer un repérage amiante sur des matériaux et produits accessibles, sans sondage sonore, ou qui se borne à faire un contrôle visuel sans autre forme de vérification. La cour d’appel est donc invitée à respecter cette jurisprudence.

7 octobre 2022, Cour d’appel de Paris, RG n°21/02746

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3 Commentaires

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  1. L
    Luc 20 octobre 2022 - 12h54

    De quoi faire peur aux diagnostiqueurs ! Nous devons donc absolument émettre un tas de réserves, sur les épaisseurs des murs, cloisons, planchers, plafonds, etc. Exemple : le propriétaire avait, dans un appentis, fait recouvrir les plafonds, en plaques dures amiantées par des panneaux bois. Il avait donc réalisé un confinement en bonne et due forme! Faire du sondage sonore ou au poinçon, c’est alors inutile et de quoi renverser toute jurisprudence défavorable ! Faisons donc un maximum de réserves, bref, ne voyons plus rien et nous serons tranquilles et renvoyons la faute à l’état qui a mis aussi longtemps à interdire l’amiante

    Répondre
    • P
      Pascal 20 octobre 2022 - 16h24

      D’après ce que je lis l’amiante n’était pas à l’intérieur (caché) des cloisons mais dans les plaques qui constituaient les cloisons. Et quand je lis que le sondage sonore n’est pas reconnu et quand je lis
      « La présence de plaque en fibrociment pour matérialiser des cloisons est inhabituelle
      et
      Le sondage sonore, nécessaire dans ce contexte, n’est pas imposé par la réglementation » …
      je crois rêver ! l’utilisation d’une échelle est elle mentionnée dans la réglementation ? et celle d’un aimant ?
      Quand l’ensemble des diagnostiqueurs aura compris que devant Mr le juge on doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaire pour faire sa mission (dans la limite des textes certes mais l’usage d’un poinçon et ou d’un sondage sonore n’étant pas exclus de ces textes) … il y aura moins de boulettes et moins d’appels en responsabilité.
      L’erreur est humaine et c’est malheureux pour tout le monde quand on en fait mais il ne faudrait pas exagérer, on est pas non plus payé pour se pointer au milieu de l’appart et faire un simple scan occulaire …

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  2. O
    Olivier 29 octobre 2022 - 22h33

    Voila le genre de texte d’avertissement qui peut éventuellement protéger l’ODI de recours par les acheteurs.
    « Le repérage a pour objectif une recherche et un constat de la présence de matériaux ou produits contenant de l’amiante
    selon la liste cité au programme de repérage. Conditions spécifiques du repérage :
    Ce repérage est limité aux matériaux accessibles sans travaux destructifs c’est-à-dire n’entraînant pas de réparation, remise en état ou ajout de matériau ou ne faisant pas perdre sa fonction au matériau.
    En conséquence, les revêtements et doublages (des plafonds, murs, sols ou conduits) qui pourraient recouvrir desmatériaux susceptibles de contenir de l’amiante ne peuvent pas être déposés ou détruits.
    Il est nécessaire d’avertir de la présence d’amiante toute personne pouvant intervenir sur ou à proximité des matériaux et produits contenant de l’amiante ou de ceux les recouvrant ou les protégeant. Ce repérage visuel et non destructif ne peut se substituer à un repérage avant réalisation de travaux ou avant démolition. »

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Article rédigé par Cécile, le moteur de Quotidiag
Diplômée de philosophie, ex-bibliothécaire, prête-plume et rédactrice web, salariée et indépendante. Écrit quotidiennement des textes sur les diagnostics immobiliers depuis 2016.

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