À 74 ans, le responsable du Cabinet LPK est l’aîné des diagnostiqueurs. Il partage son expérience et sa vision du métier avec nous.
Présentez-vous, en quelques mots ?
je m’appelle Francis Kartner. J’ai bientôt 74 ans, vous vous rendez compte ! (Rire). Je viens de recommencer mes certifications parce que je dirige une petite équipe. Et pour être cohérent avec mes gars, je veux rester au top.
Je suis dans le métier depuis plus de 30 ans. Naturellement, j’ai vu beaucoup de choses. Lorsque j’ai commencé, il n’y avait aucune certification. Étant issu du bâtiment, j’ai pu me mettre dans le bain rapidement. Mais des garçons bouchers ou des boulangers ont fait de l’immobilier en tant que porte-clés. On ne peut pas s’improviser diagnostiqueur.
Il y a donc eu le bon vieux temps où on travaillait sans certif’. C’était pas mal, à condition de connaître le métier. Puis les certifications sont arrivées et je m’y suis mis. Maintenant, je ne suis pas toujours sur le terrain, je me ménage un petit peu.
Comment êtes-vous devenu diagnostiqueur ?
À l’époque, je travaillais dans une très grande entreprise. J’étais chef d’agence. Je ne me suis pas bien entendu avec un nouveau PDG. J’ai donc décidé de quitter l’entreprise. Je me suis fait licencier moyennant finances. À partir de là, je me suis demandé ce que j’allais faire. Le métier de diagnostiqueur n’existait pas.
J’étais sous un cocotier à l’île Maurice parce que j’étais parti me ressourcer là-bas. J’ai pensé que peut-être, dans l’immobilier, il faudra mesurer les appartements et rechercher toutes les nuisances de l’habitat. Pourquoi pas ?
Vous avez été visionnaire…
Tout à fait, j’ai été visionnaire ! Quand je suis revenu de mon séjour et que j’ai annoncé ce que j’allais faire à mes amis, tout le monde m’a pris pour un fou. (Rire) J’ai d’abord fait le deuil de l’entreprise pendant 2 mois. Je faisais la fête avec mes copains. Ensuite, j’ai dû aider mon frère tombé malade.
Fin juin des années 2000, lorsque je me suis senti mieux, j’ai décidé d’écrire une première lettre au notaire. 3 jours après, paraissait le décret sur le plomb. J’ai immédiatement commandé un analyseur de plomb. J’étais un des premiers à en posséder un en France. Entre mon matériel et les courriers aux notaires, ma renommée s’est faite rapidement. Ensuite, c’était l’amiante, les termites, le gaz et l’électricité, le bilan énergétique…
Quel est votre regard sur le métier aujourd’hui ?
Tous ces diagnostics ne sont pas inutiles, bien au contraire. Mais je trouve que dans l’univers du diagnostic aujourd’hui, il y a une certaine oligarchie. De temps en temps, je m’énerve contre mon organisme de formation. Ils veulent me faire la leçon à mon âge et à mon niveau, ça fait tout drôle. Surtout, ça coûte très, très, cher.
Ce que je trouve dommage, aussi, c’est qu’après 40 jours de formation, on lance des gens sur le terrain. Les centres de formation conseillent des logiciels, Liciel Diagnostics surtout. Sans vouloir être méchant, on a des “diagnostiqueurs-robots” qui cochent les cases sur leur tablette sans connaître le métier. On voit également des gens casser les prix pour obtenir des affaires.
Quelles sont vos attentes pour la profession ?
J’aimerais qu’une école du diagnostic immobilier, avec un suivi de la part des institutions, soit créée. Il pourrait y avoir un ordre du diagnostiqueur comme il y a un Ordre des médecins.
Je suis prêt à accepter des jeunes diagnostiqueurs pour leur montrer comment apprendre le métier autrement que sur tablette. J’ai également développé une application extraordinaire, pour rédiger les rapports à partir des notes de terrain. Je veux bien la mettre à disposition. Cela ne me dérange pas de former les gens, et ce n’est pas pour de l’argent.
Je n’ai pas voulu créer de franchise alors que les diagnostiqueurs sont déjà assez inquiétés et “rackettés”. Je me considère comme un petit bureau d’études. Tout se fait avec le bouche-à-oreille, la confiance, un travail sérieux et la disponibilité. C’est un métier où les vrais professionnels s’en sortiront toujours.
Avez-vous des anecdotes à partager ?
Non, pour vivre heureux vivons cachés… Mais voyez, hier, Je me suis retrouvé avec une femme médecin de 91 ans, revêche, au départ, comme ce n’était pas possible. Elle remettait tout en cause, tous les diagnostics. Et puis, très rapidement, ça s’est détendu. Ça s’est terminé par un thé, des petits gâteaux et un chèque. (Rire)
Quels sont les avantages et les inconvénients ?
C’est un métier super agréable. J’ai toujours plaisir à échanger avec les autres, sur le terrain et au téléphone. Je rencontre des gens extraordinaires. J’ai une clientèle de vedettes, de ministres, de gens du sport… Le bouche-à-oreille fait qu’en travaillant avec des personnes sérieuses, on se retrouve avec une clientèle sérieuse.
Ce que je veux, c’est être cohérent, avec moi-même et avec mes clients. Faire du bon boulot. Cela va sans doute vous surprendre, mais je rédige très rarement des devis. Je dis combien ça coûte, c’est tout, parce que je fonctionne sur la confiance. C’est une question de génération. Maintenant, on a de plus en plus de gens procéduriers.
Et la retraite, vous ne l’envisagez pas ?
J’ai fait un essai, sans interrompre officiellement mon activité, et figurez-vous que je tournais en rond ! Je ne m’imaginais pas m’asseoir dans le canapé, avec une bière, à regarder la télé, sans faire d’effort physique sauf pour acheter le pain… C’est une vie dégradante pour moi. J’habite à Paris, j’ai mon jardin potager et des poules, je suis hors système. Et puis, voilà, c’est ma façon de vivre et d’être.
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