L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) s’interroge sur le financement de la transition écologique en France. Compte tenu du déficit d’investissement climat actuel, les besoins de dépenses publiques supplémentaires atteindraient +71 milliards d’euros en 2030. Pour les réduire, l’I4CE propose diverses mesures, notamment dans le cadre de la rénovation énergétique des bâtiments privés, publics et tertiaires.
Note I4CE sur le financement de la transition
Après le Think Tank Bruegel, l’I4CE s’est aussi attaqué au financement de la transition écologique. En revanche, l’étude porte sur la situation en France. Elle analyse les options de répartition des financements publics et privés pour ces secteurs : rénovation énergétique, véhicules bas carbone, infrastructures de report modal et énergies renouvelables. En 2024, les pouvoirs publics ont dépensé 32 milliards d’euros pour ces secteurs.
À l’heure actuelle, les ménages et les entreprises ne disposent pas toujours de modèle économique viable pour leurs investissement climat. Le public aura donc à prendre en charge ce que le privé ne peut pas faire. Sauf action de maîtrise de dépenses et face à ce déficit d’investissement, ces besoins supplémentaires seraient de +71 milliards d’euros en 2030. L’I4CE propose des mesures pour les ramener à +39 milliards d’euros.
15 à 40 milliards pour la rénovation énergétique
Nous ciblerons ici un des secteurs couverts par l’étude, à savoir la rénovation énergétique. Dans ce domaine, il faut distinguer les investissements :
- dans les équipements publics : rénovation énergétique des logements sociaux, des bâtiments tertiaires de l’État, des collectivités territoriales…
- réalisés par les ménages et les entreprises : rénovation énergétique des logements privés et du tertiaire privé.
En 2023-2024, les dépenses de l’État dans ce secteur ont été de 7 milliards d’euros. Elles seraient de 15 à 40 milliards à l’horizon 2030 :
- 8 à 20 milliards pour les logements privés (MaPrimeRénov’, etc.) ;
- 1 à 3 milliards pour rénover les logements sociaux ;
- 6 milliards pour la rénovation des bâtiments de l’État ;
- 0 à 3 milliards pour rénover les bâtiments des collectivités ;
- 0 à 8 milliards pour la rénovation du tertiaire privé.
Rénovation des logements privés
« Le montant des investissements devra augmenter à l’horizon 2030, et se concentre rapidement dans les rénovations globales ». Pour garantir des travaux rentables et abordables aux ménages, l’État devrait accroître son soutien financier. Afin de réduire la charge d’investissement, l’Institut propose « d’introduire des obligations de rénovation à l’achat ». Il y aurait :
- une somme consignée, restituée sur présentation des travaux de rénovation globale ;
- ainsi qu’une réglementation sur les chaudières à gaz.
Avec ce système d’abondement et cette réglementation, la charge d’investissement serait répercutée sur les propriétaires. De plus, elle « se solderait en partie dans la valeur des biens sur le marché immobilier, tantôt en faveur des vendeurs, tantôt des acheteurs, selon le degré de tension et de concurrence entre les biens ».
Rénovation des logements sociaux
À l’horizon 2030, le besoin d’investissement servira la rénovation globale des logements les plus énergivores et la décarbonation des systèmes de chauffage du parc social. Les bailleurs sociaux contractualisent des prêts bonifiés de la caisse des dépôts, mais bénéficient aussi d’aides de l’État. Les collectivités territoriales et l’État pourraient avoir à subventionner davantage les bailleurs sociaux pour inciter à la réalisation de travaux de rénovation globale.
Pour alléger le soutien des budgets publics, il serait possible de « répercuter le coût des travaux par une hausse des loyers ou la troisième ligne de quittance et recourir plus largement aux certificats d’économies d’énergie » (CEE). Cependant, l’I4CE souligne que la hausse du coût du logement social entraverait l’accès au logement des ménages les plus modestes.
Rénovation des bâtiments de l’État
La rénovation du parc de l’État à l’horizon 2030 nécessitera bien plus d’investissements qu’aujourd’hui. En général, le budget général de l’État sert à financer ces travaux. La diminution du besoin de financement budgétaire pourrait passer par une augmentation du volume d’obligations annuelles pour le dispositif des CEE.
Cependant, l’augmentation du volume d’obligations annuelles pour les certificats d’économies d’énergie aurait aussi des conséquences négatives. Elle augmenterait la facture énergétique des ménages ainsi que des entreprises du secteur tertiaire.
Rénovation des bâtiments des collectivités
Au regard des objectifs de la planification écologique, les collectivités locales devront tripler leurs investissements. Le soutien de l’État inciterait les collectivités à prioriser ces projets de rénovation tout en couvrant les coûts des travaux nets des économies d’énergie. Comment limiter la contribution de l’État ? L’institut propose de développer les instruments financiers des collectivités, par exemple :
- les contrats de performance énergétique (CPE) à paiement différé ;
- la mise en commun des biens immobiliers au sein d’une foncière publique.
Cela limiterait les risques prix, améliorerait l’ingénierie des projets et en lisserait les dépenses. L’inconvénient réside dans la charge financière importante pour les collectivités.
Rénovation du parc tertiaire privé
Enfin, les investissements dans la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires privés devront augmenter d’ici 2030. Actuellement, les entreprises financent surtout ces travaux à partir de leur bilan. Le décret tertiaire prévoit assez peu de sanctions, obligeant l’État à subventionner les sociétés pour qu’elles réalisent les travaux.
Une possibilité serait de « renforcer le décret tertiaire tout en faisant varier la taxe foncière sur l’étiquette énergétique du bâtiment ». Ainsi, les entreprises seraient contraintes d’intégrer la rénovation énergétique dans leurs projets d’investissements. Cependant, le coût net aurait des conséquences sur les bilans des entreprises. Il renchérirait également le coût des biens et des services vendus.
Scénarios de financement à suivre
Ces ordres de grandeur peuvent contribuer à la préparation de la future stratégie pluriannuelle du financement de la transition écologique. « Celle-ci devra tenir compte de l’efficacité des instruments, mais aussi d’une répartition équitable des efforts de financement ». L’I4CE précise d’ailleurs que cette première publication pourra être enrichie par des travaux complémentaires à l’automne.
À lire ou à télécharger : I4CE Institute for climate economics, Financement de la transition : quelles marges de manœuvres autour du besoin de financement public ? Juillet 2024.
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